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Private Investigations

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18 juillet 2013

Bubble Gum, Lolita Pille

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Lolita Pille est de ces auteurs, comme Beigbeder, qui sont à mon sens largement sous estimés. Et si Hell est son roman le plus apprécié, je ne peux que vous dire que Bubble Gum est bien meilleur.

Ce qui m'a marquée dans Bubble Gum, c'est la folie. On lit, on oublie un peu de quoi il s'agit et on se contente de savourer, puis, quand la réalité refait surface et qu'on finit par fermer le livre, on est choqués. Choqués par tant de haine, de violence, de cruauté, de manipulation, de folie, vous dis-je. On reste dérangés pendant un certain temps et je crois qu'en un sens, on ne s'en remet pas tout de suite. C'est dans ce livre que l'on comprend vraiment la petitesse de l'être humain. 

Il y a Manon D., campagnarde perdue dans son trou avec son père qu'elle n'aime pas, qui rêve d'être actrice. Dès le début on sent une égocentricité peu commune, tout le premier chapitre est à coups de "Je déteste ma vie car je déteste ceci" et ainsi de suite, vous avez compris l'idée. Elle décide une nuit de prendre le large et de monter à Paris pour y devenir mannequin, et plus si "talent". Elle s'incruste à une soirée people grâce à son "amie" Sissi, une nymphomane désesperée, catin de première catégorie, apparemment stupide, et rencontre Derek Delano qui va, en apparence, la sauver. Une seule citation m'a émue, en ce qui la concerne, car de style vif, tranchant et bien trop mélancolique pour être ignorée : "Elle boit comme un trou pour oublier qu'elle s'est trompée de rêve".

Derek est un milliardaire désabusé qui m'a fascinée par sa culture, sa répartie, son art, son "ma poule", et malgré tout son humanité, car à en croire le résumé du livre, c'est lui le monstre, mais c'est de loin le plus touchant des deux protagonistes. Le plus profond, aussi. Manon m'agace car c'est une sale gamine opportuniste et pourrie gâtée qui tombe amoureuse de sa propre douleur. J'ai aimé Derek parce qu'il était vraiment malheureux, et qu'il a trouvé dans son mensonge un point d'attache à la vie, qu'il aurait pu être sauvé, qu'il aurait pu sauver Manon, mais que Manon a tout gâché. Ceux qui l'ont lu trouvent sûrement mon avis un peu trop extrême car après tout, ce qui arrive à Derek, Derek l'a bien cherché, c'est vrai. Mais dans sa folie, il a aimé. C'est lui qui a perdu.

Alors Derek va faire croire à Manon que c'est une star, qu'elle est maintenant célèbre, il réalise son rêve juste pour pouvoir la détruire ensuite en faisant imploser ce qu'il a construit pour elle. Ce n'est pas si superficiel que ça en a l'air, je vous assure. Les sentiments ont une part là dedans, et là se trouve tout le charme du roman, le "Je t'aime moi non plus" qu'il entretient avec sa compagne, et son caprice d'adulte triste qui ne fait finalement rien d'autre que se venger. 

Le livre se présente sous une forme de "dialogue" interposé d'un point de vue interne alternant Manon et Derek, et c'est la partie de Derek que j'ai préféré, pour ses descriptions sur la musique et sa scène finale, où Manon découvre le pot aux roses alors qu'elle était sensée se suicider, et qu'il n'y a plus que lui, perdu dans ses regrets, qui essaie de lui faire comprendre qu'il l'aime, à sa façon, et qu'il les réalisera pour de vrai ses rêves, qu'ils pourraient être heureux, avant de se prendre 7 balles dans le corps. Ils sont là, tous les deux, lasses, à sniffer de la coke en écoutant les Guns, Nirvana, Gainsbourg, Wagner, Lou Reed, Nina Simone et tant d'autres (car ce livre a également une richesse musicale hors du commun), ils sont là à se regarder dans les yeux.

"Il y a ma sonate inachevée et le cadavre d'un piano, il y a notre histoire inachevée et un cadavre aux yeux fluos. Il y a même un brouillard de larmes et, plus encore que ce que nous avons vécu, il y a tout ce que nous n'avons pas vécu."

Je crois qu'une fois de plus, c'est cet amour que j'ai aimé. Cet amour si particulier, si étrange, mais si réel : Derek aime Manon, il l'aime si mal, mais il l'aime. Et Manon, personnage si vide, si interessé, qui, après l'avoir tué froidement, est heureuse car son rêve se réalise : "UNE STAR EST NEE". Derek n'est qu'un con qui a compris trop tard, Manon n'est qu'une conne qui n'a rien compris, tous les personnages de ce livre sont des cons mais Bubble Gum touche, rend fou, fait détester l'Homme, et l'on n'en ressort pas indemne, je vous l'assure. Il dénonce toute la condition de l'être humain et l'influence de la société sur des rêves et des amours qui ne sont plus que destructeurs.

"Je préfère mourir de ta main que de vivre sans toi... Et crois moi, ma poule, tu m'enlèves un grand poids."

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17 juillet 2013

Au secours pardon, Frédéric Beigbeder

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Octave Parango, héros de 99F, est cette fois-ci en Russie pour trouver la nouvelle égérie mondiale de l'Ideal, marque de cosmétique internationale. Au secours pardon est d'apparence très superficiel, très creux, mais c'est probablement le plus beau livre que j'ai lu au monde. Car oui, ce "J'accuse" à la beauté, la consommation et au pêché recèle des pages splendides, des dialogues lourds de sens, un tableau communiste à couper le souffle, l'histoire d'une Russie hétéroclite, et il est très beau, à sa façon. Il est dérangeant, bouleversant, agaçant, amusant, naïf et cynique, il nous laisse sans voix. Le titre résume finalement bien ce que l'on peut penser lors de la lecture : le début est long, matéraliste, irritant, on a envie de crier "AU SECOURS" et puis... Et puis les pages défilent, et l'on se laisse émouvoir, alors on n'a plus qu'un mot à la bouche pour avoir trop vite jugé Beigbeder : "Pardon".

"Je ne sais pas pourquoi je vous dis tout ça. En fait, je crois que j'aimerai vous raconter comment j'ai compris que la tristesse est nécessaire."

Au secours pardon, c'est la foi sous toutes ses formes. Il faut avant tout savoir que le récit se déroule sous forme d'une confession qu'Octave fait à un pope russe rencontré il y a une quinzaine d'année en France; Et la foi, dans ce livre, que dis-je, cette oeuvre criante de mélancolie à peine dissimulée, est magnifique, désesperée, indeféctible. Elle est aussi oppressante que salvatrice, et cette foi, messieurs dames, nous donne vraiment envie de croire en l'histoire d'Octave. "Pourquoi les églises sont fermées la nuit, au moment où l'on en a le plus besoin?"

La confession du personnage est parfois un peu longue, avec des détails superflus, mais on peut y noter une évolution tout au long du roman : il devient de plus en plus lucide, triste, torturé, et il finit par nous émouvoir, ce grand enfant, parce que c'est probablement l'être le plus perdu que vous n'aurez jamais rencontré. Je crois que c'est dans Au secours pardon que j'ai lu les phrases qui m'ont le plus touchée au monde. Je crois que c'est à travers ce livre, que j'ai lu et relu, que j'ai moi aussi compris que la tristesse est nécessaire et que celle de Beigbeder, pardon, d'Octave, est la plus belle et la plus sincère qui soit. "J'ai failli devenir un type bien. Je ne crois pas en votre Dieu, mais je vous jure que j'ai eu foi en Lena."

Lena, un personnage sans grande consistance qui va pourtant perturber la vie du héros au plus haut point puisqu'il va en tomber amoureux. Malgré tout, elle nous a dit une grande chose à Octave et à moi : "Lena m'a appris que quand on se demande si on est fou, c'est qu'on l'est déjà". Et bien que j'en veuille à Lena de ne pas donner à Octave l'amour qu'il mérite, j'aurai aimé être elle pour les déclarations qu'il lui fait tant elles transpirent de sincérité, d'humour, d'amour. Lena est la plus belle fille du monde, mais ce n'est qu'une prépubère pourrie gâtée qui a plus d'égo que de seins, et pourtant, sans elle et sa relation avec l'ex publicitaire de 99F, dieu que ce livre m'aurait moins plu. C'est ce que j'ai préféré dans ce livre : cet amour malsain (je ne peux vous dire pourquoi), destructeur, passionnel, platonique et ô combien désesperé. 

Je dis "malsain" car je préfère vous prévenir : Lena ne voudra pas d'Octave. Ils ne vivront pas heureux ensemble, ils ne sont pas faits pour ça. Alors il y a un secret, un terrible secret que seul le pope connaît, et que je ne peux vous révéler car vous ne pourriez pas totalement apprécier l'amour qu'Octave porte à Lena Doytcheva, aussi réel puisse-t-il être. Soyez juste sûrs d'aimer complétement ce livre quand la bombe explosera, car vous aurez le coeur brisé en même temps qu'Octave, si vous êtes aussi réceptifs que moi au "lyrisme" de Beigbeder. 

Moi, Octave, à sa façon, je l'ai trouvé très beau. Très sincère. Trop fou pour être aussi détestable qu'il semble l'être. Au fil des pages, on s'aperçoit que ce n'est finalement qu'un grand enfant, dupe de rien et surtout pas de lui même, qui n'a jamais eu l'amour dont il avait besoin puisqu'il décrète que "la peau de l'être humain a besoin d'un grand nombre de baisers par jour". Octave est triste, si triste de ne laisser derrière lui qu'une impression de sociopathe, de vide, même son ex femme le dit : "Je crois que nous nous sommes aimés, même si je préfère l'oublier : ce gâchis est trop pénible". C'est là tout le grand drame d'Octave, ce qui alimentera la folie d'un homme qui n'était rien de plus que fragile, et qui le poussera jusqu'à un point de non retour.

Je ne peux vous cacher que ce livre contient des horreurs inhumaines, tels que des usines où l'on flagelle des vierges afin de vendre leurs larmes, de la manipulation, du mensonge, de la cruauté telle que vous n'en avez jamais vu. C'est une histoire d'Hommes sur les Hommes. Elle nous affranchit de nos limites. Mais je maintiens qu'à ce jour, Au secours pardon doit rester la chose la plus bouleversante qu'il m'ait été donné de lire. 

"Tant pis si je marmonne la phrase la plus importante de cette confession. Tant pis si vous ne l'entendrez jamais : J'ai aimé et j'ai été aimé, mais jamais les deux en même temps."

17 juillet 2013

Windows on the World, Frédéric Beigbeder

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"Vous pensez que les destructions peuvent être belles?"

 

 

Windows on the World est le dernier livre que j'ai lu. Vous l'apprendrez vite : je suis une grande admiratrice de Beigbeder. Certes, il ne plait pas à tout le monde, il agace souvent, mais je lui trouve un côté lucide et touchant qui n'engage que moi, et qui cependant fait que cet homme est probablement mon auteur préféré. Dans Windows on the World, qui est probablement son oeuvre la plus poétique malgré sa tragédie, l'auteur analyse la société américaine et fait sa propre catharsis, mais comme je suis quelqu'un qui préfère l'émotion à son paroxysme, je vais vous expliquer comment Frédéric Beigbeder nous offre toute son humanité.

11 Septembre 2001, 8h30 A.M, New York, the World Trace Center. C'est là que tout se déroulera au presque, dans un restaurant au 107ème étage de la Tour Nord du Center ; le Windows on the World, "fenêtres sur le monde". C'est prétentieux mais si beau à la fois, un peu comme ce livre. Carthew Yorston emmène ses deux enfants de divorce, Jerry et David, y déjeuner, mais il n'a pas choisi son jour.

"J'ai commis deux erreurs : faire des enfants ; les emmener déjeuner ici."

Car ce 11 Septembre, ce sera celui où l'Amérique connaîtra son plus grand affront : l'attentat des Twin Towers, et celui où Carthew et ses enfants connaîtront la mort. Inutile de vous mentir, et puis c'est écrit au dos du livre : "Vous connaissez la fin : tout le monde meurt", ce n'est pas une histoire qui finit bien. Beigbeder nous plonge avec violence dans l'atmosphère de la catastrophe, et je peux vous dire qu'il faut être solide pour tout lire, mais cela en vaut vraiment la peine. Il y a Carthew, qui fait croire à ses enfants blessés et effrayés que c'est une attraction en 3D très réaliste, et que si ils paniquent ils auront perdu. Il y a Jerry et David qui sont persuadés que leur papa est un super héros, qu'il faut juste attendre un peu afin que ses super-pouvoirs s'activent et qu'il les sauve. Il y a la blonde en Ralph Lauren, le brun en Kenneith Cole, Jeffrey, Anthony, Lourdes, il y a Mary et Candace qui n'y sont pas mais qui y laisseront un bout d'elles-mêmes, il y a la mort, partout, toujours, et c'est une véritable descente vers l'enfer au fil de cette oeuvre néanmoins magnifique. 

C'est dans cet enfer que Carthew, à l'image de Beigbeder, c'est à dire cynique et ayant peu le sens des relations, va se découvrir et découvrir le reste : "le monde est si beau quand vous n'y êtes presque plus". Il va devoir rester forts pour ses enfants afin de leur épargner la lucidité de leur condamnation à tous, à eux-mêmes, à tous les pauvres innocents qui se trouvaient dans les tours jumelles ce matin là et qui n'en sortiront plus jamais. Et puis il va les aider à mourir parce que le suicide est la dernière liberté que l'on peut s'octroyer lorsque l'on est conscient que l'on est de toutes façons condamnés à mourir. C'est sûrement ce passage le plus bouleversant, Carthew qui tient la main de Jerry et qui porte son autre fils David, mort quelques minutes plus tôt, et qui dit à sa chair "Il faut être fort. Je t'aime, mon coeur. T'es un sacré bonhomme." Et au gamin de lui répondre "I love you daddy. Eh tu sais, papa, j'ai pas peur de tomber, regarde, je pleure pas et toi non plus." Et puis ce fut la fin : "Nos bouches étaient progressivement déformées par la vitesse. Le vent nous faisait faire des grimaces inédites. J'entend encore le rire de Jerry qui serrait ma main et celle de son petit frère en plongeant dans le ciel. Merci pour ce dernier rire, oh my Lord, merci pour le rire de Jerry. Pendant un instant, j'ai vraiment cru qu'on s'envolait."

Et rien qu'à vous en parler, je vous jure que mon coeur se serre.

"Autant être dans un lieu catastrophique quand on traîne sa propre apocalypse."

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